Jason Lefranc est l’un des quatre associés, avec deux de ses frères et ses parents qui président aux destinées d’une exploitation agricole « bio » pas comme les autres. Située en baie du Mont Saint-Michel, sur le territoire de la commune de Vains (Manche – Normandie), la ferme de vaches laitières organise et accueille des événements culturels douze mois sur douze et ce depuis de nombreuses années. Quelque « 70 000 personnes » fréquentent ainsi les lieux. Explications !
LCDICI – Quelles étaient, au départ les raisons qui ont prévalu pour que la famille Lefranc s’engage ainsi dans l’organisation et l’accueil d’événements « culturels », sur les terres de l’exploitation familiale ?
Jason Lefranc – Tout est parti avec un ami peintre de mes parents. Il cherchait des lieux pour exposer et il a découvert notre musée du lait (NDLR. Espace scénographique qui retrace un siècle de transformation du lait dans la Manche). Au cours de la discussion on s’est dit pourquoi ne pas organiser des expositions. Ce qui nous a paru intéressant dans cette démarche, c’était de proposer une autre façon de faire ses courses. Chez nous il ne s’agit pas de pousser un caddy, mais de prendre le temps en famille de découvrir nos produits, d’échanger de comprendre comment nos produits sont fabriqués mais aussi de découvrir le musée et les œuvres exposées temporairement. Aujourd’hui nous accueillons 12 artistes locaux ou régionaux, à raison d’une exposition par mois. L’accès aux expositions est gratuite durant les horaires d’ouverture de la boutique. Cela a plu et continue de plaire à notre clientèle *. Venir chez nous n’est plus une corvée mais un plaisir avec un vrai volet éducatif.
LCDICI – Voilà pour la genèse de votre enracinement sur le champ culturel. Mais depuis vous avez franchi de nouveaux paliers. Pourquoi et comment ?
J.L. – Au départ nous n’étions pas dans une véritable démarche de diversification. Maintenant ce n’est plus le cas avec nos deux rendez-vous phares annuels, à savoir le Cara-Meuh festival qui fêtera sa 6e édition en septembre 2023 et le Green River Valley (GRV) festival, qui aura lieu pour la troisième année consécutive début juillet 2023. Autant nous sommes organisateurs du Cara-Meuh festival, autant nous ne faisons qu’accueillir le GRV. Le Cara-Meuh a grandi peu à peu au fil des ans. C’est la version actuelle des journées portes ouvertes à la ferme que nous organisions auparavant, soit à partir de 2013. Aujourd’hui chaque fin d’été, nous accueillons environ 10 000 personnes qui viennent découvrir nos produits issus de la transformation sur la ferme, caramels et fromages notamment. Mais le public vient aussi échanger avec les 80 producteurs ou artisans présents sur le site durant les deux jours. C’est un temps social fort qui mobilise quelque 80 bénévoles sans qui rien ne serait possible. Nous avons d’ailleurs constitué une association « L’Art à la ferme » qui se charge de l’organisation. Enfin, le Cara-Meuh est aussi un moment festif culturel. Nous proposons jusqu’à sept concerts, avec des groupes ou musiciens locaux et régionaux mais qui viennent aussi de Nantes, de Le Mans.
LDICI – L’autre temps fort musical est donc programmé début juillet depuis deux ans déjà. Quel rôle joue la Ferme Cara-Meuh dans ce cadre ?
J.L. En ce qui concerne le Green River Valley festival nous faisons office de terre d’accueil. Nous assurons aussi une partie de la logistique avec nos engins agricoles. GRV festival est l’émanation d’une autre association qui s’appelle Label Plante qui est basée du côté de Julouville un peu au nord de notre exploitation. En fait c’est une bande de copains qui voulait monter un rendez-vous musical consacré au Reggae et au Dub. Ils sont venus nous voir et rapidement nous avons donné notre accord. Les membres de cette association sont très engagés sur les questions environnementales, et cela a fait écho chez nous.
LCDICI – Quels sont les modèles économiques de ces manifestations ?
J.L. Le Cara-Meuh est entièrement gratuit. Seuls les produits de la restauration sur place, avec des produits de la ferme et des producteurs, génèrent des rentrées d’argent. L’objectif est d’arriver à l’équilibre. Nous ne faisons appel à aucun financement public, sous forme de subventions ou autre.
Le modèle est différent en ce qui concerne le GRV festival. L’association organisatrice Label Plante nous verse une compensation financière pour l’utilisation des prairies où sont installées les scènes et le camping, mais aussi pour l’utilisation du matériel agricole. En revanche, l’entrée au GRV festival est payante.
LCDICI – Quelle typologie de publics retrouve-t-on sur vos événements ?
J.L. Pour la Cara-Meuh festival le public est très majoritairement local et régional, donc à la fois rural et urbain. Là encore, les gens viennent en famille. Ils sont en recherche de compréhension sur les questions alimentaires, à savoir comment les produits sont transformés à partir de notre production de lait bio. Et puis ils ont la possibilité de visiter la ferme, via un parcours pédagogique.
Le public qui fréquente le Green River Valley festival est plus jeune. Cela tient à la programmation avec des têtes d’affiche connues à l’international comme Sinsemilia en 2021 ou Tiken Jah Fakoly en juillet 2023. Les 5 à 6 000 festivaliers ne sont pas uniquement locaux ou régionaux. Ils viennent aussi de Paris, voire même de l’étranger. Pour l’un comme pour l’autre de ces rendez-vous, nous tenons à organiser et à maintenir des événements culturels et de découverte d’une certaine forme d’agriculture… à taille humaine.
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