Alors que le vin est un fleuron de l’agriculture française et fait de notre pays le champion mondial des exportations en valeur (3ème en volume derrière l’Italie et l’Espagne), avec 1,4 millions de litres exportés en 2022 pour 11,6 milliards d’euros, le vignoble souffre.
En 2021, c’est la sécheresse qui a pénalisé la récolte, alors que cette année, en Gironde en particulier, températures élevées et fortes précipitations du début d’été ont favorisé la prolifération du mildiou qui a saccagé près de 90% de la récolte. Hivers doux, gelées tardives de printemps et sécheresses estivales perturbent les cycles de production et agissent sur la qualité des vins.
La vigne est donc à la fois un marqueur du dérèglement climatique et un révélateur des limites et des dégâts d’une monoculture industrielle dopée à la chimie phytosanitaire. Il faut rappeler, en effet, qu’avec 20 traitements par an en moyenne (et jusqu’à 25 sur une même grappe), c’est la troisième culture la plus traitée derrière la pomme et la pomme de terre. Pressées par des lanceurs d’alerte, les autorités sanitaires finissent par s’en inquiéter. En octobre dernier, une équipe de l’INSERM (Institut national de la santé et la recherche médicale) publiait une étude portant sur lien entre le risque de leucémie chez les enfants de moins de 15 ans et le fait d’habiter à proximité de vignes (Lien). Le résultat est alarmant mais ne fait que confirmer ce qu’on savait déjà sur la toxicité des pesticides depuis des affaires comme celle de Marie-Lys Bibeiran qui se bat depuis 2011 pour faire reconnaître comme maladie professionnelle un cancer lié aux produits phytosanitaires qui a entraîné la mort de son frère, salarié viticole en 2009. D’ailleurs dès 2020, l’association Solagro publiait une carte des communes les plus exposées et les bassins viticoles du bordelais et du Sud-Est sont dans le rouge (Lien).
Alors, devrons-nous cesser de boire du vin ou allons-nous boire d’autres vins produits dans des conditions plus naturelles et écologiques ? A la sortie des vendanges et à quelques semaines des fêtes de Noël et de fin d’année, c’est la question que nous nous sommes posée. Et les réponses ouvrent des pistes inattendues et plutôt encourageantes. L’adaptation au changement climatique pousse des vignerons à s’installer dans des régions où la production de vin avait disparu depuis des siècles. En Mayenne, au Manoir du pin à Préaux, au sud du département, les vignes produisent du vin bio sur un hectare et demie depuis 2000. En Bretagne, à la faveur de l’ouverture en 2016 du droit de plantation, c’est une trentaine de projets viticoles qui voient le jour sur les quatre départements de la région. Ce phénomène se retrouve au-delà de nos frontières, en Angleterre, en Belgique ou aux Pays-Bas. Du côté de la qualité naturelle des vins et de la lutte contre les parasites et ravageurs, ce sont les vignerons bios qui relèvent le défi avec l’aide, en Pays de la Loire en particulier, des conseillers viticoles de la Coordination d’ Agriculture Biologique (CAB). Ils s’inspirent à la fois de l’expérience ancienne des sœurs Hacquet de Beaulieu sur Layon (49), pionnières du vin naturel, et des méthodes plus complexes de la biodynamie.
Introduite dans les campagnes françaises au 5ème siècle pour produire du vin de messe, puis devenue monoculture industrielle depuis les années 1950, en souffrance aujourd’hui, la vigne saura-t-elle rester la culture de l’art de vivre à la française et produire des vins de qualité naturelle, d’origines géographiques élargies, propices à la fête mais sans gueule de bois ni risques cancérogènes ? Il semble que oui car les vignerons et les vigneronnes s’y attellent.
Nicolas Chomel, président de Graines d’avenir et directeur de publication
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