Plébiscité pour son naturel et son authenticité, le vin nature, sans intrants chimiques, constitue un nouveau marché en France. Au Clos du Tue Bœuf, dans le Loir-et-Cher, la famille Puzelat, présente depuis le XVème siècle dans la commune des Montils, utilise différentes techniques pour favoriser la vinification naturelle, et notamment des procédés ancestraux comme la macération en amphores de terre cuite, venues de Géorgie.
« C’est hyper compliqué de faire du vin sans intrants qui soit bon », reconnaît Zoé Puzelat, coassociée avec son père Thierry et sa sœur Louise, au Clos du Tue Bœuf. Pourtant, depuis la fin des années 1990, le domaine familial, situé aux Montils (Loir-et-Cher), a été converti en viticulture biologique, avec des vendanges manuelles, des vinifications sans manipulation excessive et sans artifice œnologique. Alors que la culture de la vigne, très uniformisée, est l’une des cultures les plus consommatrices de pesticides en France, le vin nature séduit de plus en plus et apparaît comme l’un des futurs possibles. Plus local, meilleur pour la
santé, plus respectueux de l’environnement et des écosystèmes, il suscite aussi l’intérêt par une esthétique nouvelle, moins standardisée.
Le changement climatique complique la donne
Alors que le vin nature demande de composer avec le vivant, la tâche est parfois ardue pour les vinificateurs. Les changements climatiques en cours ne facilitent pas la donne. « Nous avons des années de plus en chaudes ou, en tout cas, avec des aléas qui impactent de plus en plus la vigne, relate Zoé Puzelat. Les taux de sucre sont donc très élevés dans les raisins que nous ramassons. » Cela complique la fermentation, amorcée par les levures. Côté acidité, « les pH (potentiel hydrogène) de plus en plus haut favorisent l’avancée des bactéries face aux levures ».
Pour y remédier, les Puzelat ont recours à différentes techniques telles que la micro-macération. « En partant du principe que les levures sont contenues sur la peau du raisin, si on laisse la peau au contact du jus, on favorise l’expansion des levures », explique Zoé Puzelat. Le travail s’effectue aussi sur les sols pour combler les déficits, avec notamment des couverts végétaux pour pallier au manque d’azote. « Il y a du travail en amont sur la vigne pour anticiper la vinification », rappelle la jeune femme.
Un attrait pour les techniques ancestrales
La vinification nature convoque aussi l’imaginaire du retour à l’essentiel et aux techniques ancestrales. Les origines de la viticulture remontent à plus de 8000 ans, d’après des découvertes de résidus de poteries dans le Caucase, en Géorgie plus précisément. Le pays situé sur les bords de la Mer noire, entre la Turquie et la Russie, reste, encore aujourd’hui, connu pour son savoir-faire viticole.
D’un côté, le vin y a été produit en masse pour fournir le marché russe, notamment pendant la période de l’Union soviétique. De l’autre, des méthodes ancestrales de productions y ont été préservées et conservées, comme la vinification en amphores de terre cuite enterrées, un contenant neutre et poreux, où la macération lente dure de longs mois.
Au début des années 2000, ce trésor patrimonial géorgien suscite l’intérêt de nombreux vinificateurs nature européens. « Il y a eu un gros coup de cœur sur cette région et sur leurs pratiques vinicoles. Avec l’envie d’essayer », relate Zoé Puzelat.
La famille fait parmi des premiers à avoir importé du vin géorgien en France, à travers leur structure d’importation lancée en 2004 pour donner de la visibilité à des vignerons du monde entier. Puis, après un voyage dans le pays en 2012, Thierry Puzelat et d’autres vinificateurs ramènent des amphores de Géorgie. La famille possède désormais six kvevris ainsi que d’autres types d’amphores. Les Puzelat ont essayé de multiples combinaisons, en utilisant cette technique vieille de plusieurs millénaires, et ont peu à peu acté un protocole de sauvignon en macération jus, peau
et baie. « Nous avançons très lentement, et pour cause, nous n’avons qu’un test par an, estime Thierry Puzelat. Dix ans après, nous avons encore beaucoup à apprendre des amphores. »
Face à la difficulté de la vinification nature, la famille préfère ne pas « mettre tous ses œufs dans le même panier », rappelle Zoé Puzelat, dont les ancêtres ont été paysans, polyculteurs et vignerons dans la même commune depuis le XVème siècle. « On envisage de diminuer la surface cultivée et le volume vinifié afin de pouvoir mener d’autres projets agricoles et retrouver une pluralité d’activités que nos grands-parents avaient. » Une autre forme de retour aux sources en somme.
Faire du vin comme en géorgie
Vidéo de Zoé Puzelat
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