Au Domaine des Clostiers, Boris Clause et Stéphane Bonnet ont décidé de planter quelques arpents de syrah, un cépage méridional connu pour répondre à des problématiques de stress hydrique, un phénomène de plus en plus fréquent en Anjou.
Installés à Tigné depuis 2018, Boris Clause et Stéphane Bonnet se sont très vite rendus compte que le changement climatique impactait leur vignoble. Photo Jean-Pierre Chafes.
Quand Boris Clause et Stéphane Bonnet achètent en 2018 les 12 hectares du Domaine Hauret-Baleine sur la commune de Tigné (Maine-et-Loire), les deux amis n’ont d’autre intention que de continuer le travail de leurs prédécesseurs. Respectivement ancien chef de projet en informatique et ex-directeur des achats d’une holding spécialisé dans le matériel de cuisine, ces nouveaux venus dans la viticulture sont en effet convaincus que le vignoble d’Anjou, où ils ont décidé de donner un nouveau sens à leur vie, est « en plein développement ». Quant au domaine en lui-même, rebaptisé rapidement Domaine des Clostiers en raison de son encerclement par des murs hauts de deux mètres, il est, à l’image de ce qui se fait dans la région. « Planté majoritairement de cabernet franc (6 hectares), pour l’Anjou rouge, le Cabernet d’Anjou et le Rosé de Loire, et de chenin (2 hectares), pour les AOC Anjou blanc, Coteaux du Layon et Crémant de Loire », il se compose également d’1,5 hectare de
chardonnay, d’1 hectare de Gamay et de deux fois 0,5 hectare de cabernet sauvignon et de clôt (ou malbec) pour des assemblages ou des Vins de France. Il est par ailleurs « passé en bio à partir de 1997 », condition préalable obligatoire pour Boris et Stéphane. Et tout aurait pu rester ainsi encore longtemps.
Des accidents climatiques de plus en plus fréquents
Sauf qu’après « une vendange 2018 exceptionnelle en qualité comme en quantité », les ennuis vont commencer pour le duo de viticulteurs. « En avril 2019, le gel a détruit 50% de la récolte. Ce qui n’était pas arrivé depuis 1991 ! En 2021, on a perdu cette fois entre 30 et 40% », énumèrent Stéphane et Boris contraints de s’adapter à ces gelées tardives de plus en plus fréquentes. « Sur les parcelles très gélives, on travaille très peu le sol avant les gelées et on ne tond pas ou très peu. On taille également de plus en plus tard afin de retarder le débourrement ou on taille plus long. Quitte à repasser ». Mais les deux associés prennent parallèlement une décision plus radicale, celle de « planter des cépages jokers ». ». En 2021, ils font appel à cet effet à Gwenaël Guérin, un ingénieur agronome qui
intervient régulièrement sur le vignoble nantais et qui va réaliser des carottages (jusqu’à 2 mètres de profondeur) au Domaine des Clostiers afin de déterminer ce qui peut être fait. A la fois pour répondre à la problématique des gels tardifs à répétition, mais également à celle du stress hydrique, de plus en plus sensible dans les vignobles septentrionaux. « Après l’étude faite avec Gwenaël Guérin, on a décidé pour être moins impacté par les gelées tardives de planter pendant l’été 2022 un demi-hectare supplémentaire de cabernet sauvignon, qui n’a souvent pas démarré en avril, et 40 ares de grolleau dont le contre-bourgeon repart assez facilement après la gelée ». A côté de ces cépages connus dans la région pour être régulièrement assemblés au cabernet franc dans les Anjous rouges, Cabernet d’Anjou, et autres Rosés ou Crémants de Loire, sont plantés 40 ares de… syrah!
En 2022, 40 ares de syrah ont été plantés au Domaine des Clostiers. Ce cépage méridional pourrait être une réponse aux problématiques de stress hydrique qui se posent de plus en régulièrement aux viticulteurs ligériens. Photo Jean-Pierre Chafes.
La syrah, réponse au stress hydrique
Particulièrement répandu dans les Côtes du Rhône, la Provence, le Languedoc-Roussillon et le Sud-Ouest, ce cépage considéré donc comme méridional n’a jusque-là fait que de rares apparitions dans le vignoble ligérien. Mais pourrait bien voir sa zone de diffusion s’étendre rapidement dans les années à venir comme l’expliquent Stéphane et Boris. « 2022 a en effet été notre plus mauvaise récolte depuis que nous nous sommes installés. En raison de la sècheresse, nos vignes ont subi un stress hydrique très important, avec un rendement de 15 hectos/hectare pour le cabernet franc au lieu d’environ 60 habituellement. Et si le grolleau, peu sensible au stress hydrique, peut permettre de maintenir la production à un certain niveau en termes de quantité, la syrah pourrait carrément être à terme (les premières récoltes auront lieu en 2025) une réponse à cette problématique avec l’élaboration de nouveaux vins ». Comme une syrah d’Anjou? Complètement inimaginable il y a encore quelques années, l’idée mûrit en tout cas doucement mais surement du côté de Tigné.
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