Les esprits les plus expérimentés s’échauffent aujourd’hui à tirer de perspectives pour la plante pérenne qu’est la vigne, alors même que l’on tire chaque jour plus le signal d’alarme du vignoble français. Focus sur les essais de plantation en Mayenne.
Après 10 ans de travaux sur l’adaptation de la viticulture au changement climatique, le projet LACCAVE initié par l’INRAE ( Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) s’est achevé fin 2021. Rassemblant depuis 2012 une centaine de chercheurs pour étudier les conditions de l’adaptation au changement climatique dans le secteur de la vigne et du vin, ils soulèvent les impacts du bouleversement climatique sur les vignobles, développement plus précoce, degrés d’alcool plus élevés, acidités en baisse, mais des solutions pour l’adaptation semblent envisageables.
Parmi les lignes tracées chez les prospectivistes, l’idée de faire monter la ligne des terroirs viticoles au dessus de la Loire. On sait déjà que l’Ile-de-France a demandé la création d’une AOC, que le vignoble breton génère des appétits féroces, et que la Normandie même engage les même processus.
Quid de la Mayenne donc? Enchassée entre Anjou, Bretagne, Pays Nantais, on peut sérieusement se poser la question de son potentiel.
Photo Élodie Louchez
Des vignes implantées au fil des églises du territoire
Jean Steunou, auteur et historien a, pour y contribuer, dressé un panorama de la vigne en Mayenne, dans son histoire et ses perspectives. Il note que si la vigne est présente sur le territoire mayennais depuis les Romains, c’est indiscutablement pour des raisons religieuses, le vin de messe en étant la promotion la plus évidente.
Mais le vignoble va progressivement décliner à la fin du Moyen Âge à cause de la concurrence du cidre et du poiré, venus de Normandie aux XVe et XVIe siècles. Et puis aussi parce qu’à partir de la première moitié du XVIe siècle, les gens aisés vont importer du vin, par exemple de l’Orléanais.
Le déclin se poursuit, accéléré à la fin du XIXe siècle par le phylloxéra, qui ravagea les 3/4 du vignoble européen. Dès lors, on arrache la vigne pour produire en particulier du blé, plus approprié et plus rentable.
Les traces de vignes persistent dans le sud du département et notamment à Saint-Denis-d’Anjou, Fromentières, Saint- Sulpice, Azé et Bazouges, où après une marginalisation de la culture de la vigne dans l’économie agricole jusque dans les années 70, un dernier vigneron professionnel persiste à St Denis d’Anjou.
Florent Deslandes, et Alain Landelle aux manettes du Manoir du Pin à Préaux pour la Famille Marquet. Photo Élodie Louchez
La Mayenne, nouvel eldorado?
Florent Deslandes, Mayennais passionné et vigneron-agronome conseille aujourd’hui près d’une dizaine de personnes qui ont planté des vignes en Mayenne à titre amateur ou professionnel:
« Evidemment, le Sud Mayenne est plus propice à la plantation, mais il y a aussi des tentatives en Nord Mayenne, à 200 m d’altitude près des Alpes mancelles qui réagissent bien dans des sols sablonneux et granitiques. Cela pourrait donner des qualités gustatives très proches de ce que l’on pourrait retrouver en muscadet. »
Socle granitique, grès armoricain, roches volcaniques et schiste du pourtour lavallois sont autant d’expressions de sols qui promettent des plantations en bonnes formes et des vins expressifs de ces terroirs selon le jeune agronome. « Dans l’histoire, on a même retrouvé de traces de poulsard – appelé aussi ploussard – implanté en Mayenne alors que c’est un cépage autochtone du Jura, ce qui prouve l’adaptation du climat à la vigne, c’est certain. Aujourd’hui, tout est possible dans ces conditions. »
Demain, des vignerons mayennais?
Les volontés professionnalisantes seront cependant les véritables indices de reprise du vignoble et de sa pérennité possible. Florent Deslandes accompagne des essais depuis 5 ans pour des plantations très diverses,
du particulier à l’amateur éclairé, en passant par des projets professionnels. Avant ces initiatives déjà, une volonté associative à Saint-Denis- d’Anjou, en 1997, a abouti pour créer une vigne au Clos de la Morinière, qui rassemble des passionnés mais dont le vin reste vinifié en Anjou.
A Changé, généré par la municipalité et sa volonté écologique, un projet à vocation pédagogique se construit actuellement avec symboliquement 10 ares de Grolleau gris plantés en 2020, conseillé par Jacques Carroget, président du Syndicat des vins naturels et vigneron en Coteaux d’Ancenis : « C’est une petite vigne pour passer en dessous des radars commerciaux, puisque la volonté est associative. Mais le désir est là. Et la tentative de faire pousser du Grolleau Gris n’est pas anodine parce que c’est un cépage moins sensible aux maladies, dont le mildiou. Ici, l’exposition du coteau est belle, et le projet est de faire une vigne la plus proche du vivant possible. Cette année, nous ferons des bulles ! »
Le projet rassemblant bénévoles et acteurs locaux engagés reste unique mais fédère les habitants autour de valeurs écologiques, ce qui en fait une vitrine important pour le territoire.
https://twitter.com/olivierrichefou/status/1703018410211172429
Mais c’est à Préaux, en Sud Mayenne à l’initiative de Claude Marquet, un riche industriel et propriétaire du Manoir du Pin, que l’activité viticole a retrouvé véritablement vie en Mayenne. Plantée en 1997, la vigne offre sa première récolte de Pinot noir et Chardonnay, en 2000. Depuis, après ces premiers essais, la conversion en agriculture biologique et la volonté farouche du propriétaire de faire rayonner la vigne en Mayenne, Alain Landelle, régisseur et Florent Deslandes en tant que conseil ont décidé d’agrandir le vignoble d’un hectare et demi de Syrah puis de cépages Chenin et Pineau d’Aunis. Des choix qui produiront tous leurs résultats d’ici 3 ou 4 ans. C’est Jacques Antoine Toublanc, oenologue fameux du Clos Rougeard en Saumurois, qui supervise les vinifications, ce qui en dit long sur la volonté familiale de faire du Manoir du Pin, un domaine sur lequel la Mayenne
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