Trop longtemps ignorée par les éleveurs eux-mêmes, la valorisation des chevreaux et de la viande de chèvres de réforme est désormais au centre de la démarche de la Fédération Nationale Cabri d’Ici. Officiellement inaugurée le 10 octobre dernier à l’issue d’une démarche de plusieurs années, l’association a dévoilé son projet et son ambition.
Né du constat fait par la FAO qu’un tiers de la nourriture destinée à la consommation humaine dans le monde est perdu, le projet Food Heroes a pendant trois ans (de 2018 à 2020) réuni 13 organisations issues de 6 pays de l’Europe du nord-ouest autour des problématiques de sous-valorisation rencontrées dans trois secteurs pilotes : les fruits et légumes, les produits de la mer et les animaux mâles de certaines filières. C’est dans ce cadre que la chambre d’agriculture des Pays de la Loire et Laval Mayenne Technopole ont choisi avec le support du CIVAM du Haut-Bocage (Deux-Sèvres) de s’intéresser plus particulièrement au sort des chevreaux des élevages laitiers, délaissés jusque-là. Alors qu’il ne peut y avoir de lait sans chevreaux, ces très jeunes animaux sont effet traditionnellement vendus à vil prix (2€ par tête, parfois moins) dès l’âge de trois jours à des engraisseurs. Abattus avant leur premier mois, 70% d’entre eux sont ensuite exportés congelés vers des pays où la viande caprine est plus appréciée qu’en France, notamment en Méditerranée, et consommée tout au long de l’année.
Faire connaître et valoriser la viande caprine
D’où les interrogations de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire et de Laval Mayenne Technopole, mais également de certains éleveurs satisfaits ni éthiquement ni économiquement par ce système.
Pour eux, en effet, comment redonner de la cohérence à la filière en valorisant les animaux mâles des élevages laitiers ? Comment développer les circuits courts et locaux de commercialisation? Et surtout enfin, comment soutenir l’élevage paysan durable ? Autant de questions auxquelles le projet Food Heroes va apporter un début de réponse avec l’organisation en octobre 2018 à Laval, dans le cadre de la Semaine du goût, du premier « Goatober » français de
( l’anglais goat, chèvre, et october, octobre ). Et dont l’objet est de promouvoir la viande caprine auprès des restaurateurs et du grand public. « Ça a été le déclencheur » confirme Emmanuel Hardy. Principalement producteur de fromage de chèvres bios installé à Pré-d’Anjou en Mayenne, il a été en effet l’un des cinq éleveurs sollicités par Laval Mayenne Technopole afin de fournir de la viande de cabri (il fournit cinq bêtes) pour cette première édition. A nouveau mis à l’honneur à l’occasion des Goatotber suivants organisés en Mayenne et en Maine-et-Loire, la viande de cabri est également présentée et dégustée à l’occasion du Nantes Food Forum, de la nuit des tables de Nantes ou encore du grand marché des producteurs des Pays de la Loire.
Les premières associations Cabri d’Ici naissent en 2021
Ces événements faisant croitre la demande en viande de cabri, les éleveurs sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à s’investir dans la démarche. Au point de voir se créer en août 2021 les associations Cabri d’Ici 79 (Deux-Sèvres) et Cabri d’Ici 49 (Maine-et-Loire) et en septembre de la même année, Cabri d’Ici 53 (Mayenne), dont la vocation est clairement de « valoriser la viande caprine issue des troupeaux laitiers » confirme Xavier Roux, le président de Cabri d’Ici 49 et lui-même à la tête d’un troupeau de près de 200 chèvres. Quant au choix du nom Cabri d’ici, il se justifie par le fait que « la production phare est un chevreau âgé d’au moins 7 mois et dont le viande rouge et tendre est peu grasse ». Mais aussi parce que les adhérents des associations ont fait « le choix d’élever à la ferme les animaux qui y sont nés, comme une alternative aux circuits longs ».
Des engagements forts pour une filière locale et durable
Les associations vont aussi se doter d’une charte Cabri que tout nouvel adhérent s’engage à respecter et qui précise que les chèvres doivent être pâturantes, c’est à dire avoir plus de 100 jours de pâturage par an.
Les fermes doivent aussi rester à « taille humaine », que ce soit en termes de troupeau et de surfaces (200 chèvres par UTH – Unité de Travailleur Humain – pour les troupeaux inférieurs à 400 bêtes, 70 /UTH pour les troupeaux de moins de 150 têtes). Les chevreaux doivent être élevés au lait naturel, sous les mères de préférence ou au lait de chèvre ou de vache distribué. Ce qui signifie l’exclusion du lait en poudre. Et enfin l’alimentation du troupeau inférieur à 400
bêtes, 70 /UTH pour les troupeaux de moins de 150 têtes). Les chevreaux doivent être élevés au lait naturel, sous les mères de préférence ou au lait de chèvre ou de vache distribué. Ce qui signifie l’exclusion du lait en poudre. Et enfin l’alimentation du troupeau doit s’effectuer de manière autonome avec une économie d’intrants. Tous certifiés bio, les adhérents de Cabri d’Ici ne veulent pas en effet pour autant exclure les éleveurs qui ne le seraient pas, mais qui souhaitent malgré tout s’engager dans le processus de valorisation de la viande caprine.
Fédération nationale : ensemble on va plus loin
Convaincus que les prochaines étapes dans la valorisation d’une viande caprine locale et durable ne pourraient être franchies qu’ensemble, les trois associations départementales ont donc décidé de donner naissance à la Fédération Nationale Cabri d’Ici. Portée sur les fonts baptismaux le 10 octobre dernier sur le campus des Sicaudières à Bressuire, partenaire historique du Civam du Bocage à travers son hall de découpe, la Fédération compte bien, comme l’a souligné son président Jérémie Errien, « attirer des éleveurs d’autres départements (un Cabri d’Ici 86 est en cours de création) en démontrant qu’il est possible de tirer des revenus pas seulement du lait, mais également de la viande de chèvre de façon vertueuse et éthique ».
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