Alors que 90% des variétés agricoles ne sont plus cultivées, une Maison des semences paysannes, ouverte en juin 2023 à Bouchemaine dans le Maine-et-Loire, permet de conserver plus de 500 variétés cultivées sur place. L’objectif ? Permettre aux agriculteurs d’en disposer librement.
C’est en 2004, en pleine mobilisation des Faucheurs volontaires d’OGM, que Florent Mercier, se lance dans la sélection de semences paysannes, alors même qu’il vient de reprendre la ferme familiale laitière et céréalière du Pont-de-l’Arche à Bouchemaine (Maine-et-Loire).
Celui qui fait figure de pionnier dans la région a, dans un esprit volontaire, créé au cœur de son exploitation une plateforme d’essais composée de plusieurs centaines de micro-parcelles. Des variétés délaissées, voire quasiment oubliées, de blé tendre, poulard, orge, avoine, seigle, petit et grand épeautre et autres espèces de céréales « à pailles » y sont plantées.
En provenance de conservatoires français comme celui du Centre de ressources biologiques de l’INRA à Clermont-Ferrand ou étrangers comme celui de Madrid, ces variétés sont également issues de collections privées de producteurs du Réseau semences paysannes. Lors des cinq premières années, plus de 500 variétés ont ainsi été semées sur la plateforme de la ferme du Pont-de-l’Arche.
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Une manière d’identifier et de caractériser les variétés
Produites en petite quantité (les lots n’excèdent pas les deux kilos), ces semences n’en revêtent pas moins un grand intérêt. Que ce soit pour la préservation du patrimoine végétal évidemment, mais aussi, et surtout, pour l’identification et la caractérisation des variétés.
« C’est le principe de la plateforme d’essais. Planter pour pouvoir observer comment se comportent les variétés et quel intérêt elles peuvent présenter », souligne Adrien Lisée, chargé de mission grandes cultures et élevage pour le Groupement des agriculteurs biologistes et biodynamistes d’Anjou (GABB).
« On préfère aujourd’hui le terme de semences paysannes à celui de semences anciennes, trop réducteur, poursuit-il. Mais l’idéal serait de parler de variétés issues d’une génétique diversifiée qu’on trouvait jusque dans les années 1950, avant la sélection moderne. »
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Des semences qui s’adaptent aux terroirs
Si certaines de ces variétés ne donnent pas satisfaction parce qu’elles n’ont pas un rendement suffisant ou manquent de qualité pour la panification, d’autres vont retenir l’attention de la quarantaine de paysans qui suivent de près les essais chaque année et voient les avantages de l’utilisation de ces semences.
Paysan-boulanger installé à Saint-Aubin-de-Luigné (Maine-et-Loire), Franck Perrault ne plante d’ailleurs sa douzaine d’hectares de céréales qu’avec des semences paysannes. « D’abord, parce qu’elles ont un réel intérêt agronomique. Elles couvrent bien le sol. Elles valorisent beaucoup mieux les parcelles pauvres, explique-t-il. Mais aussi parce qu’à la différence des variétés modernes, totalement standardisées et stabilisées, elles ont un bagage génétique qui leur permet de s’adapter à des terroirs différents. »
C’est le cas au Pont-de-l’Arche. « Contrairement aux conservatoires où les semences sont au congélateur et n’en ressortent que tous les dix à quinze ans, à Bouchemaine, les semences sont plantées chaque année », poursuit le paysan-boulanger.
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Cette démarche et ces résultats ont également convaincu Simon Jeanneau, un autre paysan-boulanger installé à Saint-Georges-sur-Layon, non loin de chez Franck Perrault. « Ce n’est pas uniquement parce que c’est une semence ancienne que ça marche. En tout cas, les céréales cultivées et assemblées dans la région s’adaptent mieux aux conditions climatiques locales. »
Un « non » ferme aux semenciers industriels
Les semences paysannes sont des variétés libres qui ne sont pas la propriété des grands groupes industriels. Non inscrites dans le Catalogue officiel, elles ne peuvent par conséquent être vendues qu’à des non-professionnels, mais elles sont toutefois cessibles gratuitement ou échangeables, dans le respect des collectifs ou des individus qui les ont conservées et sélectionnées.
Avec comme corollaire, la possibilité de les cultiver et de les multiplier librement chez soi. Comme le fait Simon Jeanneau qui utilise un blé tendre issu d’un lot de population (mélange de sept-huit variétés différentes) créée au Pont-de-l’Arche et multipliée par ses soins. Même s’il faut trois à quatre ans pour arriver à semer un hectare à partir du lot de départ choisi, Franck Perrault se félicite lui aussi de pouvoir se passer des « services » des semenciers industriels grâce à la ferme du Pont-de-l’Arche.
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Un toit pour les 500 variétés de semences paysannes
Seule fragilité, ces semences demandent à être entreposées à l’abri et au sec afin que les charançons ne viennent pas s’attaquer au patrimoine créé. D’où la nécessité de mettre en place un lieu dédié pour leur bonne conservation sur la ferme et permettre le partage des semences.
Dans cet élan collectif, une campagne de financement participatif lancée en novembre 2022 a permis la construction d’une maison dédiée à cet usage, isolée en laine de bois et paille et recouverte d’un bardage de bois. Un ensemble qui, en limitant les variations de températures à l’intérieur, assure une meilleure conservation des quelques 500 variétés de semences.
Quant au mode de fonctionnement de cette Maison des semences paysannes, il se co-construit entre les différents utilisateurs, ce qui a permis d’en définir les grandes lignes. « Le but, c’est que les producteurs bio adhérents du GABB puissent utiliser la Maison de la façon la plus autonome possible, indique Adrien Lisée, qui estime que ce nouveau lieu disponible devrait trouver son rythme de croisière cet été. Que ce soit pour retirer des semences ou pour en déposer puisque certains font également des essais chez eux. » Une émancipation paysanne en plein envol.
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