Les NGT, les nouveaux cocktails de l’agriculture

par | 2 Avr 2024

L’Union européenne veut faciliter la commercialisation de « nouveaux OGM » dans nos assiettes, les NGT [pour New Genomic Techniques], et des expérimentations se développent rapidement autour de ces technologies. Concrètement, c’est quoi ?

Il s’agit essentiellement de technologies issues de l’édition génomique par la maîtrise du Crispr-Cas9, un système pour lequel la Française Emmanuelle Charpentier a reçu le prix Nobel de chimie.

Cela consiste à « bidouiller » l’information génétique portée par la molécule d’ADN d’une plante. En fait, on coupe des morceaux de cet ADN à des endroits spécifiques avec des enzymes. Ce sont les fameux « ciseaux moléculaires ». Les NGT se différencient des OGM (organismes génétiquement modifiés) puisqu’il n’y a pas de transgénèse, c’est-à-dire de corps étranger introduit pour modifier la plante.

Pourquoi « couper » l’ADN de la plante ?

À l’origine, la technique des NGT est un mécanisme de réparation. Il est détourné de sa fonction biologique pour faire des mutations génétiques où nous souhaiterions qu’elles aient lieu. Je parle au conditionnel car, nous ne maîtrisons pas cette technique qui est loin d’être une intervention chirurgicale précise. Il y a des effets hors cible.

Les NGT font miroiter une meilleure résilience climatique des plantes, plus adaptées et résistantes à notre contexte environnemental. Mais prétendre lutter, grâce à des artifices génétiques, contre le changement climatique et les pathologies des plantes – qui émergent à cause de ces changements et de pratiques agricoles intensives – c’est un leurre. Ces plantes seront peut-être mieux pendant une ou deux saisons, mais elles ne tiendront pas sur le long-terme. Elles n’auront aucun pouvoir d’adaptation. Les NGT sont un mensonge.

Lire aussi : Marc Dufumier : « Les NGT restent les mêmes ennemis à combattre »

En quoi est-ce un mensonge ?

Utiliser les NGT, c’est prétendre faire de l’agroécologie en perpétuant un système qui a complètement déstabilisé les écosystèmes. C’est d’une incohérence très forte, à l’image de la manière dont notre société fait face à tous les problèmes : « Surtout, ne changeons rien. » Plutôt que de se demander comment nous en sommes arrivés là, nous pallions à la marge…

C’est tout l’écosystème qui doit évoluer et s’adapter car, les plantes évoluent en interaction avec leur environnement, pas dans des labos. Avec les NGT, une information génétique sera modifiée de façon artificielle sans maîtriser ni le pourquoi, ni le comment, ni les interactions. L’histoire le prouve : les promesses des biotechnologies n’ont jamais été tenues. Par exemple, les OGM, « censés » faire face aux défis démographiques et climatiques, n’ont fait qu’aggraver notre dépendance aux pesticides. Là encore, nous allons reprendre en pleine face les boomerangs que nous lançons. C’est une fuite en avant.

Comment réparer cette « erreur civilisationnelle » ?

Il faut recréer de la diversité cultivée. Nous allons toujours vers une plus grande homogénéisation du monde agricole. Les NGT confortent cette érosion de la diversité. Or, sans elle, le risque est de se retrouver avec des assiettes vides. C’est destructeur de penser que nous allons nourrir le monde avec les NGT.

Nous ne lutterons pas sans une prise de conscience collective et sans une dynamique forte du côté de l’alternative qui est incarnée par le renouveau des semences paysannes au niveau local. En filigrane, nous devons nous projeter sur la refonte de nos systèmes alimentaires, en s’intéressant à la graine qu’il y a dans nos assiettes et en respectant le travail des paysans qui sont à bout de souffle, pris en étau dans le système.

Lire aussi : Veiller aux graines, pour le bien commun

Pour aller plus loin : Véronique Chable et Gauthier Chapelle, La Graine de mon assiette. Éditions Apogée, préface de Pablo Servigne, 2021, 240 pages.


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